La cardioïde est une courbe géométrique qui peut être définie par l'équation cartésienne suivante où \(a\) désigne une constante :
\[(x^2+y^2-ax)^2 =a^2(x^2+y^2)\] Il s'agit donc d'une courbe algébrique. Il est également possible de la définir par une équation polaire et par un système d'équations paramétrées.Voici son aspect général :
Cette courbe a intéressé un grand nombre de mathématiciens. C'est un cas particulier du limaçon de Pascal, courbe étudiée par Etienne Pascal (1588-1651), le père de Blaise Pascal (1623-1662). Le limaçon, sous le nom de « d'arachnée », était déjà connu d'Albrecht Dürer (1471-1528), qui, dans l'Underweysung der Messung [1], en indique le tracé avec des outils de dessin.
Comme on le voit sur l'illustration ci-dessous, Dürer avait même construit une sorte de compas destiné à tracer des limaçons.
On a modélisé ci-dessous, à l'aide de GeoGebra, l'utilisation du compas de Dürer pour la construction de limaçons.
La cardioïde, comme cas particulier du limaçon, est quant à elle évoquée comme épicycloïde pour la première fois en 1674 dans les travaux de l'astronome et mathématicien danois Christensen Rømer (1644-1710), au cours de recherches sur la forme la plus adaptée pour les dents d'engrenages.
Pierre de Vaumesle s'est également interessé aux cardioïdes en 1678, comme en témoigne une lettre à Huygens [2]. En considérant des polygones réguliers et égaux roulant l'un sur l'autre, il avait montré que la surface de la cardioïde est le double de celle de la cycloïde ordinaire engendrée par un cercle de même grandeur. Huygens, qui étudia la question des épicycles dans les mécanismes d'horlogerie, s'intéressa aux cardioïdes et généralisa les résultats de Vaumesle [3].
Le tracé d'une cardioïde peut être obtenu de différentes manières. Nous donnons ci-dessous quelques exemples de constructions en variant les propriétés de la courbe utilisées.
Comme nous l'avons déjà dit plus haut, la cardioïde est une courbe algébrique d'équation cartésienne : \[(x^2+y^2-ax)^2 =a^2(x^2+y^2)\] On l'a représentée ci-dessous dans un repère orthonormé pour différentes valeurs de \(a\) comprises entre 0 et 5.
La cardioïde est une podaire : elle peut être décrite par le lieu des pieds des perpendiculaires menées d'un point fixe sur les tangentes d'un cercle. Précisément, on peut définir ce lieu de la manière suivante :
Soient un cercle C et un point M fixé sur ce cercle. Soit P est un point libre du cercle. Soit (t) la tangente en P au cercle. On trace la perpendiculaire à (t) passant par le point le point M. Elle coupe (t) en I. Le lieu du point I lorsque le point P décrit le cercle est une cardioïde passant par M. En outre, le cercle C est le cercle inscrit de cette cardioïde.
Au passage, si l'on ne contraint pas le point P à rester sur le cercle, on retrouve le limaçon de Pascal de la manière suivante :
Soient C un cercle et M un point sur ce cercle. Soit P un point libre du plan. Soit (t) la tangente en M au cercle. On trace la perpendiculaire à (t) passant par le point P. Elle coupe (t) en I. Le lieu du point I lorsque le point M décrit le cercle est une cardioïde passant par P.
La cardioïde fait partie des trochoïdes, en particulier, des cycloïdes (trochoïdes à point de rebroussement) dont la directrice est un cercle (épicycloïdes) : elle peut être obtenue en faisant rouler, sans glisser, un cercle autour d'un autre cercle de même rayon. La cardioïde est obtenue en traçant le lieu d'un point fixé sur le cercle en rotation.
La cardioïde est également une conchoïde : elle peut être générée par le mouvement d'une bielle (un segment de longueur fixe) qui passe par un point fixe (ici sur le cercle) et dont le milieu décrit un cercle.
Soient C un cercle de diamètre \(d\) et M un point libre sur ce cercle. Soit P un point fixe sur cercle. Soit [AB] un segment de centre M et de longueur \(2d\) tel que [AB] passe par P. Le lieu des extrémités A et B du segment [AB] lorsque le point M décrit le cercle est une cardioïde passant par P.
On peut aussi obtenir une cardioïde par enveloppe de cercles dont les centres sont tous situés sur un cercle donné et qui passent tous par un point donné. Sur l'illustration ci-dessous, on peut utiliser le curseur pour augmenter ou réduire le nombre de cercles construits. La construction est la suivante :
Soit C un cercle et \(n\) points \(M_1,..., M_n\) sur ce cercle. On trace les \(n\) cercles passant par M de centre respectifs \(M_1,..., M_n\).
Une manière sans doute plus surprenante encore, appelée « génération de Cremona » consiste à obtenir une enveloppe de la cardioïde à partir de segments dont les extrémités sont deux points qui tournent sur un cercle en dont le rapport de vitesses est double.
Du point de vue arithmétique, cela consiste à placer \(n\) points \(M_1,...,M_n\) régulièrement espacés sur un cercle, puis à relier, pour tout nombre \(k\) compris entre 1 et \(n\), le point \(M_k\) au point \(M_{2k \text{ modulo } n}\).
La cardioïde est une caustique : la réflexion des rayons lumineux contre les paroies d'un bol dessine, par enveloppe des rayons, une cardioïde. Sur l'exemple ci-dessous, on peut observer une cardioïde projetée sur la surface du café par la lumière réfléchie.
On se sert de diagrammes polaires pour indiquer les caractéristiques de prise de son d'un micro donné. Le graphique se lit en considérant que le microphone est placé au centre d'un repère circulaire dont les cercles représentent l'espace accoustique. Sur les cercles concentriques, on peut lire les valeurs d'atténuation de l'intensité sonore captée, mesurées en dolby. La direction du microphone dans l'espace est indiquée par un angle. Un angle de 0° désigne donc une prise de son à l'avant du micro, et un angle de 180° désigne une prise de son à l'arrière de l'appareil. Comme on peut le voir sur l'illustration ci-dessous, certains microphones, appelés « cardioïdes », possèdent un diagramme polaire dont la forme est celle d'une cardioïde. Ils sont utilisés par exemple pour la prise de son d'un instrument qu'on veut isoler en éliminant les buits parasites provenant de l'arrière du microphone.
[1] Albrecht Dürer, Underweysung der Messung, mit dem Zirckel und Richtscheyt, in Linien, Ebenen unnd gantzen corporen, Hieronymus Andreae, Nüremberg, 1525.
[2] Christiaan Huygens, Œuvres complètes Tome VIII. Correspondance 1676-1684, Martinus Nijhoff, 1899.
[3] Christiaan Huygens, Œuvres complètes Tome XVIII. L'horloge à pendule 1666-1695, Martinus Nijhoff, 1934.
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